le trèfle s'envolera


I. La grandeur d’un ciel qui gronde

Parfois, lors des longs jours sans lueurs,
Nous tournons le dos à la bonne augure, parce qu’elle nous jure,
Par sa nature, de s’envoler venue la bise.
Qu’un saut d’humeur, qu’une pluie d’une heure

L’effacera de nos pare-brises.
Avec raison. Le sourire naïf dévoile
Parfois un canif à la ceinture.
Mais nous devons imaginer que nos étoiles sont terres promises –

Car l’esprit est la toile de toutes nos peintures.
De tous nos songes. Il sera notre cité en miniature,
Comme nos vertèbres, sont les poutres, de l’ossature –
Arborons, une fois pour toutes, la juste posture.

Oui – le trèfle s’envolera venue la bise.
Mais aujourd’hui, cueillons-le. (Et ne croyons pas au lendemain.)
Faisons de nos quatre murs une petite église.
D’un premier germe, une pépinière. De quatre fermes, une fruitière.

Ainsi, tout près de l’ombre, on se réjouira
de la lumière qui l’a mise au monde…
Et tout près du tonnerre, on s’émerveillera
de la grandeur d’un ciel qui gronde.

Tout près du levant, on se réveillera
au nouveau jour qui nous inonde…
Et tout près du couchant… On s’abandonnera
aux saveurs des dernières secondes.

(à la douceur des dernières couleurs.
aux murmures des derniers danseurs.
au coin de la rue, au coin de la nuit.
là où s’éteignent les lueurs.)


II. Le remède

Au long de la Méditerrannée,
Il y a une plante de vert et d’orange appelée souci
Qui pousse dans les friches et les esprits
Sans y être semée, le vent faisant office de jardinier.
Ses fleurs sont les lieux de recueillement sacrés
Des papillons. Son huile, selon les bardes et les sorciers,
Cicatrise les brûlures, les plaies, et les maux cutanés.
Traitons les nôtres ainsi.

Récoltons les fleurs de nos soucis
Avec un désir d’or et d’alchimie,
Parce qu’il y a, dans le reflet (flouté) de nos « ennuis »,
Le mot « envie ». L’élan vital de ré-écrire,
De ré-inventer, de relater un nouveau récit.
Ainsi nous accueillerons, au coeur même du souci,
Le battement des ailes du papillon.
Le pas de l’herboriste qui en fera une potion.

Oui – le souci s’envolera venue la bise.
Mais aujourd’hui, cueillons-le. (Et croyons au lendemain.)
Car chaque angoisse, chaque frayeur laisse une trace
D’argile sous nos pieds, mais l’horizon reste à peindre.
La nouvelle partition, à écrire. Et le nouveau songe, de cet argile, à rêver.
Il ne faudra plus que pétrir le pollen poudreux de l’été
En pommade, en beurre, en remède, en miel.
En provision pour le givre de l’hiver solennel.

Ainsi, nous imaginerons, dans le rocher inébranlable,
le sable.
Et dans le sable, que dans le feu nous soufflerons,
le verre.
Et dans le verre, autrefois impénétrable,
le miroir.
Et dans le miroir –
nous nous reconnaîtrons.


Merci. Le 2ème vers de la 4ème strophe du 1er volet est inspiré du vers d’Horace, « carpe diem, quam minimum credula postero. » Le 4ème vers de la 1ère strophe du 2ème volet est une citation directe de l’article Wikipédia sur le souci officinal. Merci à la personne secrète qui en est l’autrice – vous êtes d’une finesse !

P.S. Les latins appellent aussi le souci officinal « calendula », de « petit calendrier », car ses capitules se déploient avec l’apparition du soleil. J’aurais aimé inclure cette jolie étymologie dans le poème. Si vous avez une recommandation, je suis preneur. :D