à l'envers des nuages

Aujourd’hui les arbres pleurent dans le beige de l’automne
Et l’horizon s’effile dans leurs fleurs en envol.
Mais l’autre hémisphère [sous le soleil] se baigne encore.
Pleine de couleur.
Car [autre part] le jour se lève et chaque être le cueille,
Tantôt ou tard, chaque univers son heure.

Pourtant [ici], la voix de la terre pâlit et le bruit s’étonne
De cette consonne qui s’éteint. Seules les voyelles restent à l’oreille,
Celles des feuilles glissantes dans l’air du vent.
Enfin la trêve, enfin l’attente. Bientôt l’atteinte du printemps.
La peur, aussi. Pour l’être humain.
De ne plus être au lendemain.

Car le sablier [pris à moitié] semblerait se vider
De son sable-sang. Mais pas seulement.
Cela manquerait de sens : rien ne s’efface jamais vraiment.
À l’envers de l’analemme il se recueille et se remplit,
Voûté par mille et un replis et qui chacun dessine
Un huit. Chacun de ces rubans de cristal,

De ces coupes transversales formant un petit infini,
S’acolle à sa voisine pour combler une coupole –
Qui s’abreuve de chaque grain de sable-sang.
Une moitié du sablier décante, tandis que sa jumelle
S’adonne à recevoir le temps.
[Et tout cela en murmurant.]

Ainsi, derrière l’hiver, il y a la fonte des glaciers
Et l’afflux des rivières. Il y a l’avenir qui se jette
Contre le présent [dont le ton se déteint].
Pourtant, lorsque le blanc blêmit et le gris s’étonne
De cette couleur qui défile, les arbres pleurent
Et la raison s’impatiente.

Seulement l’impatience a peu souvent raison.
Aujourd’hui la lumière peine à percer, et jusqu’au noir
Elle se décline ainsi le croissant de la lune.
Mais à l’envers des nuages, le ciel est toujours azur.
Les astres délavés sont là, juste au-dessus des brumes…
[Rien ne pourrait être plus sûr.]


Mercis. À Bamboo, pour ce sablier de verre et de bois que tu m’as offert et qui m’accompagne depuis lors. Et à Wilhelm Klingenberg, pour m’avoir transmis ta passion pour les surfaces de révolution.